Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/66

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» Lorsqu’on a fait quelque chose dans la sincérité de son cœur, et avec tout l’effort dont on est capable, on ne doit pas craindre de le montrer. Il n’y a pas de mal à dessiner, surtout lorsqu’on ne néglige pas les autres devoirs. Le temps que vous passez à crayonner, vous le perdriez à ne rien faire, et l’oisiveté est mauvaise dans la solitude.

» Il y a là dedans, mon cher enfant, un certain mérite : ces arbres sont vrais, ces herbes ont chacune les feuilles qui leur conviennent.

» Vous avez, on le sent, longtemps contemplé les œuvres du grand Maître pour lequel vous devez vous sentir pénétré d’une admiration bien vive ; car, s’il est déjà si difficile de faire une copie imparfaite et grossière, qu’est-ce donc quand il faut créer et tirer tout de rien !

C’est ainsi que le bon curé encourageait Petit-Pierre ; il eut la première confidence de ce talent qui devait aller si haut et si loin.

— Travaillez, mon enfant, lui disait-il, vous serez peut-être un autre Giotto. Giotto était, comme vous, un pauvre gardeur de chèvres, et il finit par acquérir tant de talent, qu’un de ses tableaux, représentant la sainte Mère du divin Sauveur, fut promené proces-