Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/68

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le regard net et ferme. Comme dans toute tête habitée par une pensée, on voyait briller sur sa figure le reflet d’une flamme intérieure. Non qu’il fût dévoré par les ardeurs maladives d’une ambition précoce ; mais le vin de la science, quoique versé par le bon prêtre avec une prudente discrétion, causait à cette âme neuve une espèce d’enivrement qui eût pu tourner l’orgueil. Heureusement, Petit-Pierre n’avait pas de public. Ni les arbres ni les rochers ne sont flatteurs.

L’immensité de la nature, avec laquelle il était toujours en relation, le ramenait bien vite au sentiment de sa petitesse. Abondamment fourni, par le curé, de papier, de crayons, il fit un grand nombre d’études, et quelquefois, tout éveillé, il lui semblait avoir à la main le porte-crayon d’or à la pointe de feu, et la dame, penchée sur son épaule, lui disait :

— C’est bien, mon ami. Vous n’avez pas laissé éteindre l’étincelle que j’avais mise dans votre cœur. Persévérez, et vous aurez votre récompense.

Petit-Pierre, ayant acquis un fin sentiment de la forme, comprenait à quel point la dame était belle, et, à cette pensée, sa poitrine se gonflait.

Il regardait le mouchoir à carreaux où la tache,