Page:Gautier - La Reine de Bangalore, 1887.djvu/18

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aussi à découvrir le francolin, écoutant ce que disait son chant.

A mesure que le soleil la pénétrait, la forêt devenait de plus en plus splendide ; les arbres, d’une extraordinaire vigueur, découvraient leur taille gigantesque, leur structure singulière : les sycomores, les tecks au bois impérissable, le santal blanc, qui exsudait son chaud parfum, les bambous, par groupes, faisant jaillir, à des hauteurs prodigieuses, leurs gerbes colossales ; toutes sortes d’essences enfin, prospérant libres, sauvages, dans leur domaine inviolé. On voyait bien qu’en ces lieux la hache ne blesse jamais ; l’arbre, chargé de siècles, meurt de lui-même, se penche vers ses enfants, qui le retiennent, l’empêchent de tomber, et lui font un suaire fleuri.

Sous l’ombre de ces géants au port superbe, tout un monde d’arbrisseaux, de buissons, de fruits, de fleurs, d’herbes étranges, luttait de beauté, d’éclat* d’arômes exquis : le poivrier, le bétel grimpant, le manguier difforme, le gingembre, le cardamone ; et, à travers toute la forêt, la folle et aventureuse liane s’élançait de branche en branche, d’arbre en arbre : festons, guirlande ; enlaçant tout.

Le grouillement de la vie aussi devenait fantastique, inquiétant ; on sentait bruire et s’agiter toute une foule. Il semblait y avoir autant d’oiseaux que de feuilles ; les insectes se levaient comme des nuées de poussière, et les singes, innombrables maintenant, bondissaient à droite et à gauche, grimaçant, criant, poursuivant les hommes, les lapidant avec des fleurs et des fruits.