Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/175

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figure large et peu avenante, s’avança vers le prince.

— Nous boirons plus tard, dit-il. Tu m’as, la dernière fois que nous nous sommes vus, fendu la joue d’un coup de poing ; je veux t’enfoncer une côte ou deux ensuite, nous serons amis.

— Sais-tu bien à qui tu parles ? s’écria Loo furieux, en s’élançant vers l’homme du peuple.

Celui-ci le repoussa, mais l’enfant lui saisit le bras et le mordit jusqu’au sang.

Le matelot cria de douleur.

— C’est un loup, celui-ci ! hurla-t-il.

Et il courut sur Loo les poings lèves, mais le prince le saisit par les poignets.

— Laisse cet enfant, dit il, battons-nous si tu veux. Comment t’appelles-tu ?

— Tu ne sais pas mon nom ?

— Je l’ai oublié.

— Un prince peut bien oublier le nom d’un simple matelot, s’écria-t-on de tous côtés, il s’appelle Raïden, comme le dieu des orages.

— Eh bien ! Raïden, dit Nagato, battons-nous puisque tu me gardes rancune.

— Lâche-moi d’abord, dit Raïden qui faisait de vains efforts pour se dégager.

Le prince le lâcha. Alors le matelot, fermant ses poings, guetta un instant son adversaire, puis il s’élança sur lui ; mais Nagato, d’un seul geste brusque et violent, l’envoya rouler les jambes en l’air au milieu d’un grand fracas de porcelaines brisées, parmi les tasses et les flacons disposés sur le plancher.

Tous les assistants éclatèrent de rire.

Te voila satisfait, disait-on, tu as causé des dégâts pour plus d’un kobang ; si le prince ne paye pas,