Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/223

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— Tous mes désirs sont restés sur cette terre que je quitte, dit-elle, je n’en emporte qu’un seul, celui de la mort.

— Je respecte ta douleur, dit le prince, qui se retira. Mais il s’éloigna peu ; il se promenait sur le pont, et, comme malgré lui, revenait souvent près de la tente qui abritait Fatkoura. Tika l’observait du coin de l’œil.

Il avait quitté son costume militaire et était vêtu avec une certaine recherche. Le prince de Toza avait trente ans, il était un peu gros et petit, son teint bistré faisait éclater vivement la blancheur de ses dents, ses yeux, très voilés par le pli des paupières relevées vers les tempes, avaient une certaine douceur.

Tika trouvait que le prince n’était pas sans charme, et elle souriait à demi chaque fois qu’il laissait échapper un soupir ou jetait un furtif regard sur Fatkoura, qui regardait le sillage du vaisseau.

— Elle est belle, n’est-ce pas ? disait-elle tout bas ; tu trouves que le prince de Nagato est bien heureux d’avoir une pareille fiancée, tu voudrais la lui prendre. Je t’ai deviné tout de suite. Dès que tu l’as vue, au château d’Hagui, tu n’as plus regardé qu’elle, et tu l’as emmenée en toute hâte ; tu craignais que le fiancé n’arrivât à temps pour te l’arracher. Mais tu perds tes peines, elle ne t’aimera jamais… Ce n’est pas que je ne fasse des vœux pour toi, continua Tika poursuivant son monologue, si elle pouvait guérir et devenir princesse de Toza, je me réjouirais sincèrement. Le prince de Nagato, lui aussi, consentirait avec plaisir à ce mariage ; mais de cela, tu ne t’en doutes pas.

Le prince de Toza examinait aussi par instant la jeune suivante.

— Oui ! oui ! je comprends, murmurait Tika. Tu