Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/224

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regardes l’échelon qui pourrait peut-être te servir à arriver jusqu’à elle.

Bientôt la jeune fille se leva, et, comme pour respirer plus à l’aise, s’avança sur le pont ; elle s’accouda au parapet et regarda la mer.

En dessous cependant, elle surveillait les mouvements du prince.

— Oh ! tu viendras vers moi, disait-elle, j’en suis bien sûre. Voyons comment tu entameras la conversation ?

Le prince s’approchait, en effet, lentement avec une certaine hésitation.

Tika regardait au loin.

— L’air est plus frais ici, n’est-ce pas, jeune fille ? dit enfin le prince en s’arrêtant devant elle.

— C’est assez banal, cela, pensa Tika qui répondit en inclinant la tête.

— Pourquoi ta maîtresse ne se promène-t-elle pas un peu ? pourquoi ne permet-elle pas à cette brise légère de rafraîchir son front ?

— Le vent qui souffle de la terre d’exil est plus brûlant qu’une flamme, dit Tika d’une voix solennelle.

— Est-ce donc si terrible d’habiter dans un château plutôt que dans un autre ? dit le prince ; Fatkoura sera traitée comme une souveraine. Je te jure que je veux que sa captivité soit plus douce que la liberté d’une autre. Dis-moi quels sont ses goûts.

— Ne t’a-t-elle pas dit elle-même qu’elle n’a plus goût à rien ? Autrefois elle aimait la parure, les fêtes, la musique ; elle aimait surtout entendre les pas de son fiancé sur la galerie extérieure.

— Elle l’aime donc beaucoup ce Nagato ?

— Comme il mérite d’être aimé, c’est le plus parfait seigneur qui soit.