Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/24

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que se trouve la salle des Mille-Nattes, lieu de réunion du conseil.

Les seigneurs arrivent de tous côtés ; Ils gravissent les rampes de la colline et se dirigent vers le portique central du palais qui s’ouvre sur une longue galerie, conduisant directement à la salle des Mille-Nattes.

Cette salle, très vaste, très haute, est parfaitement vide de meubles. Des cloisons mobiles, glissant dans des rainures, l’entrecoupent et forment, lorsqu’on les fait se rejoindre, des compartiments de diverses dimensions. Mais les cloisons sont toujours largement écartées de façon à produire d’heureux effets de perspective. Ces panneaux, dans tel compartiment, sont revêtus de laque noire fleurie d’or, dans tel autre de laque rouge ou de bois de Jeseri, dont les veines forment naturellement d’agréables dessins. Ici, la cloison, peinte par un artiste illustre, a son envers tendu de satin blanc brodé de lourdes fleurs ; ailleurs, sur un fond d’or mat, un pêcher, couvert de fleurs roses, étend ses branches noueuses, ou bien, simplement, sur du bois sombre un semis inégal de points blancs, rouges, noirs, papillote aux yeux. Les nattes qui couvrent le plancher sont couleur de neige et frangées d’argent.

Les seigneurs, avec leurs larges pantalons dépassant les pieds, semblent s’avancer à genoux, et les étoffes froissent les nattes avec un bruit continu, semblable au susurrement lointain d’une cascade. Les assistants gardent d’ailleurs un religieux silence. Des hattamotos, gens d’une récente noblesse, instituée par le régent, s’accroupissent dans les angles les plus reculés, tandis que les samouraïs d’ancienne noblesse, possesseurs de fiefs et vassaux des princes, passent près de ces nouveaux anoblis en leur jetant des regards de mépris et se rapprochent sensiblement du grand