Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/265

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triomphante, je viens du château de Toza. Je t’apporte, de la part de mon maître, la tête du prince de Nagato.

Cette fois Hiéyas ne put dissimuler son émotion ; ses lèvres s’agitèrent, il tendit ses mains tremblantes, avec une impatience sénile.

Raïden, en entendant le messager, avait fait un soubresaut ; mais le prince, d’un geste, lui recommanda le silence.

— Je suis curieux de voir cette tête-là, murmurait le matelot.

L’homme avait mis a découvert un sac de paille tressée, fermé a son extrémité par une corde, il la déliait.

Hiéyas fit signe de décrocher une lanterne et de l’approcher de lui.

— Est-ce bien vrai ? est-ce bien vrai ? disait-il, je ne puis le croire.

L’envoyé tira la tête hors du sac, elle était enveloppée dans un morceau de soie rouge qui semblait teinte avec du sang.

On enleva l’étoffe, alors Hiéyas prit la tête entre ses mains et l’appuya sur ses genoux. Un homme, près de lui, dirigeait sur elle la lueur de la lanterne.

Cette tête était si blême qu’elle semblait en marbre ; les cheveux d’un noir profond, noués sur le sommet du crâne, luisaient avec des éclats bleus, les sourcils étaient légèrement contractés, les yeux clos, un sourire moqueur crispait les lèvres décolorées.

— Si le prince n’était pas près de moi, je jurerais que cette tête a été coupée sur ses épaules, se disait Raïden stupéfait.

Nagato, douloureusement ému, avait saisi la main du matelot dans un mouvement nerveux.