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Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/65

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Là, des frères quêteurs, vêtus de rouge, la tête entièrement rasée, gonflent leurs joues et tirent, de sifflets d’argent, des sons dont l’acuité perce le tumulte et déchire les oreilles ; des prêtresses, du culte national, passent en chantant et agitent un goupillon de papier blanc, symbole de pureté ; une dizaine de jeunes bonzes, jouant de toutes sortes d’instruments, tendent l’oreille et s’efforcent de s’entendre les uns les autres, afin de ne pas perdre la mesure de la mélodie qu’ils exécutent, en dépit du charivari général, tandis que, plus loin, un charmeur de tortue heurte un tam-tam à coups précipités et que des aveugles, assis à l’entrée d’un temple, cognent à tour de bras sur des cloches, hérissées de pustules de bronze.

De temps à autre, des seigneurs de la cour du mikado fendaient la foule ; ils se rendaient incognito au théâtre, ou à une des maisons de thé qui demeurent ouvertes toute la nuit, et dans lesquelles, délivrés des rigueurs de l’étiquette, ils pouvaient boire et se réjouir tout à leur aise.

Nagato, lui aussi, voyageait incognito et seul ; il n’avait pas même un coureur pour écarter la foule devant lui. Il parvint pourtant à sortir de la ville sans avoir blessé personne. Alors il rendit les rênes à son cheval impatient, qui galopa bientôt dans une magnifique avenue de sycomores, bordée de pagodes, de temples, de chapelles que le prince voyait filer à droite et à gauche et qui lui jetaient aux oreilles un lambeau de prière ou de chant sacré. Une fois Ivakoura se retourna et regarda longtemps en arrière ; il avait aperçu, à travers les branches, le tombeau de Taïko-Sama, le père de Fidé-Yori ; il songeait que les cendres de ce grand homme devaient tressaillir de joie, tandis que passait près d’elles celui qui allait porter le salut à son fils.