laient entrer à toute force et parlaient tous à la fois en frappant les dalles de leurs bâtons ; les valets criaient pour les faire sortir et l’on ne s’entendait pas du tout. Je commençais à m’irriter de cette scène, lorsque je vis arriver le prince de Nagato ; aussitôt mes serviteurs s’inclinèrent devant lui, et, sur son ordre, firent entrer les aveugles dans le pavillon qui sert d’écurie aux chevaux des visiteurs. J’allai au-devant du prince, curieux d’avoir l’explication de toute cette comédie.
— Hâtons-nous, dit-il en entrant dans ma chambre et en jetant un paquet sur le tapis, ôtons nos habits et revêtons ces costumes.
— Pourquoi faire ? dis-je en regardant les costumes qui étaient peu de mon goût.
— Quoi ! dit-il, n’est-ce pas l’heure où nous quittons l’ennuyeuse pompe de notre rang pour redevenir des hommes joyeux et libres ?
— Oui, dis-te, mais pourquoi employer notre liberté à nous affubler de ces costumes peu gracieux ?
— Tu verras, j’ai un projet, dit le prince, qui se déshabillait déjà ; puis, s’approchant de mon oreille, il ajouta :
— Je me marie cette nuit. Tu verras quelle noce !
– Comment ! tu vas te marier ? et dans ce costume ? m’écriai-je en voyant le prince revêtu d’un habit misérable.
— Allons, dépêchons-nous, dit-il, ou bien nous ne trouverons plus la fiancée.
Le prince descendait déjà l’escalier ; je me hâtai d’endosser, l’habit semblable au sien et, piqué de curiosité, je le suivis.
— Mais, lui criai-je, et tous ces aveugles que tu as fait mettre dans l’écurie ?
— Nous allons les rejoindre.