Aller au contenu

Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
le collier des jours

tant sa venue du haut de sa fenêtre, dont la vue s’étendait sur la campagne, au loin…, hélas !…

Une fois, qu’il s’avançait ainsi, ne prenant pas garde, le malheureux, au danger qu’il courait d’être aperçu par celle qui ne voyait que lui, il s’arrêta, troublé par quelque malaise, et agit comme s’il eût été seul !…

L’indignation de la fiancée n’eut pas de mesure, tout son beau rêve s’effondra subitement, sous le choc de cette vision fâcheuse ! Le bien-aimé, désormais exécré, fut chassé ; elle ne le revit jamais et jura de rester fille.

Elle tint son serment, la pauvre tante Mion, et sacrifia toute sa vie à cette minute de désenchantement.

Qui sait ce que cachait cette bonne humeur, et cette gaieté exubérante, qui me réjouissait tant aujourd’hui et combien de longues, de douloureuses années de regrets et de renoncements avaient trempé cette âme, encore romanesque et naïve ?

Son entrain mit beaucoup de mouvement dans la maison ; mon père vint plusieurs fois à Montrouge, pour voir sa tante ; il y eut des dîners, où le demi-cercle de la grande table couleur de marron d’Inde, en face de la muraille, était occupé tout entier.

Dès le premier jour, la tante d’Avignon