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le collier des jours

m’avait prise en grande affection et elle me gâtait, comme il faut gâter, sans restriction. J’avais vite reconnu cette façon d’aimer, de laquelle j’étais déshabituée, depuis que j’avais quitté « la Chérie ». Cette tendre faiblesse qui excuse tout, se fait complice plutôt que de punir et qui, sur les natures violentes, mais point mauvaises, a souvent de meilleurs effets que la sévérité et les sévices.

Sans doute, me sentant soutenue, j’étais plus diabolique qu’à l’ordinaire ; car elle dut faire lever bien des punitions. Quand elle n’y parvenait pas, et qu’exilée dans la chambre aux légumes, j’étais privée de dessert, elle venait me retrouver, en m’apportant le sien.

— Je ne peux pas voir ça, disait-elle, mon frère a toujours été un tyran… pauvre petite bagasse, tu devrais t’en venir avec moi à Avignon…

Le mois passa trop vite. Vers les derniers jours, tante Mion, avec l’une ou l’autre de ses nièces, fit beaucoup de courses dans Paris, pour des emplettes. Elle était fort coquette, avait toujours de jolies guimpes brodées et des collerettes tuyautées, et elle tenait à se mettre tout à fait à la mode pour rentrer dans sa ville natale. Elle revint, une fois, avec un énorme carton à chapeau, l’air très satisfait, tandis que Zoé, qui l’avait accompagnée, semblait au con-