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le collier des jours

bord. Je vis beaucoup de monde au fond du fossé, huit ou dix personnes et des personnes qui, certes, n’étaient pas de Montrouge. Les épaulettes d’or et le pantalon rouge d’un officier attiraient les regards tout d’abord, au milieu du costume sévère des autres. Qu’est-ce que ces gens pouvaient bien faire là à une pareille heure ?… Quelques-uns marchaient et semblaient prendre des mesures. Je m’imaginais qu’ils cherchaient un trésor et allaient creuser un trou ; mais ce ne fut pas cela : des sabres brillèrent, l’officier ôta sa tunique, un des hommes apparut en manches de chemise et le duel s’engagea. J’y assistai sans savoir ce qu’était un duel ; un peu enrayée par le cliquetis des lames, mais très intéressée et revenant toujours, quand j’avais fait un pas en arrière, pour m’enfuir.

Tout à coup les sabres cessèrent de se choquer ; une tache rouge apparut sur la chemise blanche de l’un des hommes qui tomba sur un genou. Je crus qu’on allait le tuer, qu’il demandait grâce, et je m’enfuis en courant, cette fois, pour ne pas voir.

Un autre jour, je revenais par ce même chemin, en tenant dans mes bras ma grande poupée, quand un monsieur grisonnant, qui marchait dans le même sens que moi, ou me suivait peut-être, se mit à me parler. Il me fit toutes