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le collier des jours

Elle était vieille, vieille, avec une longue figure très laide, mais si bonne et si aimable qu’elle semblait agréable. Affalée dans un fauteuil, sous son voile noir et sa guimpe blanche, elle riait, d’un rire aux longues dents rares, et tendait vers moi ses mains noueuses.

La chambre était emplie de petites choses claires : images coloriées, encadrées de broderies ; bannières à franges d’argent ; fleurs en papier et petits Jésus de cire sous des globes de verre.

Près de la fenêtre, sur une table, était posé un objet, qui me parut admirable. C’était un paysage en verre filé, avec des rochers bleus et des arbres d’émeraude ; des cascades lumineuses qui jaillissaient ; des petits anges aux ailes roses et des bergers au milieu de petits moutons qui semblaient en sucre. Cette œuvre d’art me rappelait la pendule mécanique du bon curé de Montrouge. Parlant pour la première fois, je ne pus m’empêcher de demander « si ça marchait ». Non, ça ne marchait pas ; mais la cascade était si luisante, qu’elle avait vraiment l’air de couler.

La mère Sainte-Trinité alla, en trottinant, ouvrir un placard, dans lequel étaient rangés toutes sortes de flacons, et de bottes pleines de friandises. Elle me fit boire un petit verre de cassis, « comme on n’en buvait pas souvent »,