Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
le collier des jours

repasser la leçon : quelques pages d’histoire sainte. Penchées sur leur livre, les coudes sur le bois, la tête dans les mains, toutes ces petites filles m’examinaient en dessous, mais elles n’étaient pas pour m’intimider : je leur trouvais l’air bête et sournois et, sauf une, frêle et jolie, la dernière du banc, aucune ne valait la peine d’être regardée.

Mais avec une vague épouvante, j’étudiais la mère Saint-Raphaël, quand elle ne regardait pas de mon côté. Elle était petite et forte, avec la peau très blanche, et des yeux veloutés, sous des sourcils noirs et épais ; au-dessus de sa bouche s’estompait une petite moustache assez accentuée, et c’était cela qui me faisait peur. Je me rends compte aujourd’hui qu’elle ressemblait un peu à Balzac.

La demi-heure écoulée, sur un coup de règle frappé contre la table, tous les livres se fermèrent et la récitation commença. La leçon était très mal sue, chacune n’en disait que des bribes sans suite ; mais lorsque ce fut le tour de la jolie dernière, elle n’en put pas trouver un seul mot, et, comme les autres, qui n’avaient pourtant pas de quoi être fières, pouffaient de rire et se moquaient d’elle, elle se mit à pleurer. Elle était trop petite, aussi, et devait à peine savoir lire j’eus envie de tomber à coups de poing sur ces vilaines gamines ; je fis même un