Aller au contenu

Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
le collier des jours

et dans sa marche. Son visage régulier, pâle, à la bouche sinueuse, au menton arrondi et saillant, était énergique et beau, mais il y avait dans toute sa personne comme une gaucherie ou une gêne. À son aversion pour moi se mêlait à ce que j’imaginais, une certaine crainte. On l’appelait sœur Basile.

Elle n’enseignait pas, mais comme presque toutes les religieuses, nous gardait, à son tour, pendant les récréations. Elles avaient lieu quelquefois, en hiver, ou quand il pleuvait, dans la seconde classe, grande salle, en contre-bas, qui longeait le préau et coupait à angle droit la première classe et la petite classe, situées sur la cour. Une sainte Anne, en plâtre peint, apparaissait tout au fond de cette salle, plus longue que large.

C’est là que je crus découvrir, un jour, le mot de cette énigme, si longtemps cherchée. Brusquement il me sembla que tout s’expliquait. J’attirai, dans l’angle le plus reculé, ma peureuse et douce Catherine, et je lui soufflai dans l’oreille, le plus bas possible :

— Je sais, maintenant, la sœur Basile est un homme.

— Un homme !

— Regarde-la, ça se voit bien, va ; elle est si grande, l’air si fier, et quand elle marche, sa robe n’est pas assez large pour ses pas…