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le collier des jours

— Prends garde, on dirait qu’elle t’a entendue.

La sœur Basile, en effet, dardait vers nous un regard fixe et dur, de l’autre bout de la salle, où elle se tenait debout et les bras croisés, dans une attitude vraiment virile.

— Elle n’a pas entendu, mais elle a peur que je devine, il y a longtemps qu’elle se méfie.

Catherine était terrifiée :

— Si on sait que nous savons, qu’est-ce qu’on va nous faire ?…

Moi, j’étais fière de ma découverte, et j’aurais voulu pouvoir répondre une fois : « Oui, mon père » à ce Basile, pour voir ce qu’il dirait ; mais il ne me parlait jamais, et je guettais le son de sa voix, entendu bien rarement.

Je ne pus garder un tel secret. Il fut chuchoté d’oreille à oreille et les grandes surtout y prirent un vif intérêt. Plusieurs étaient convaincues comme moi. Elles disaient que ce devait être un jeune prêtre, qui avait, peut-être, sa sœur dans le couvent ; d’autres cachaient des sourires, pleins de sous-entendus ; quelques-unes le trouvaient charmant.

Les religieuses furent certainement informées de cette scandaleuse rumeur, car Basile fut dispensé de la garde des classes. On ne le revit plus, que de loin, à la chapelle. Mais il n’y eut pas d’enquête, on ne chercha pas à