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le collier des jours

formée à cette loi, c’est-à-dire que j’ai toujours accaparé les pions noirs.

C’était ce même prêtre qui confessait toute la communauté, les élèves, et jusqu’aux pécheresses de huit ans. Il n’avait pas besoin pour cela de pénétrer dans le couvent : le confessionnal était, comme l’église, partagé en deux par une grille et il ne communiquait pas autrement.

Quand c’était mon tour de confesser mes péchés, je mettais mon orgueil à en avoir beaucoup et de très damnables, et comme en somme, mon examen de conscience ne m’en fournissait que d’assez piètres, j’en inventais de plus importants. On m’avait appris que l’on péchait en pensée, aussi bien qu’en action, et puisque j’imaginais des fautes, j’en étais donc vraiment coupable.

Ce n’était guère l’avis du brave confesseur, qui, au récit de mes méfaits, avait des pouffements contenus, qui jaillissaient, parfois, en gloussements si drôles, que je me mettais à rire aussi, et nous arrivions à de tels éclats, que la sœur Marie-Jésus, qui était sacristine, prenait sur elle d’ouvrir brusquement la porte du confessionnal et de m’en faire sortir, en murmurant, pâle de colère :

— Cette petite-là est tellement pervertie,