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le collier des jours

Il y avait vers le milieu de l’impasse, à moitié engagé dans une muraille, un puits commun, dont la poulie grinçait sous la grosse corde continuellement tirée. Il n’offrait pour moi aucun danger, car la margelle de pierre dépassait beaucoup la hauteur de ma tête. Une indicible épouvante me saisissait, cependant, quand ma nourrice s’approchait du puits, se penchait vers le gouffre retentissant, pour descendre et remonter le seau, lourd et ruisselant, où sonnaient des chaînes. Cramponnée à sa jupe, je la tirais de toutes mes forces, en arrière, en poussant des cris d’une telle angoisse, que les voisines s’approchaient, et, le plus souvent, apitoyées, tiraient, pour elle, la provision d’eau.

Mais je gardais une inquiétude, un tourment, qui persistait d’une façon bien singulière à cet âge : la crainte des dangers inconnus qui la menaçaient, et je serrais plus fort mon bras autour de son cou, pour la protéger et la défendre.

Je n’avais guère l’idée de ma propre faiblesse, puisque ce désir de protéger, et la certitude que j’en étais capable, domina toute ma première enfance.

D’autres révélations de la vie vinrent compliquer ce sentiment et lui donnèrent bientôt une direction nouvelle.

Les fenêtres de notre logement donnaient, je