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le collier des jours

fois, depuis bien longtemps, qu’elles pouvaient sortir toutes les deux à la fois.

Tante Zoé, dès qu’elle m’aperçut, se mit à sangloter à hauts cris et fit une scène dramatique, prenant le ciel à témoin qu’elle avait soigné son père avec tout le dévouement possible et qu’on ne pouvait rien lui reprocher… Puis elle se calma, et, tandis que tante Lili continuait à pleurer à petits gloussements plaintifs, elle me raconta les derniers moments : il ne voulait pas mourir et se débattait d’une façon terrible. Quand on le croyait déjà expirant, il s’était dressé, debout sur son lit, ses longues jambes maigres hors de sa chemise, luttant encore avec la mort, puis il était retombé, de tout son haut.

Elles me dirent aussi qu’elles voulaient quitter la route de Châtillon, qu’elles n’avaient pas le courage d’habiter, seules, dans cette maison.

— Lui mort, toi partie, disaient-elles, c’est trop de vides, tout de même, nous ne pourrions pas endurer cela.

Moi, j’eus le cœur serré à l’idée qu’on abandonnerait cette maison, que peut-être, je n’y retournerais plus… Et je fus longtemps hantée par la vision de ce combat contre la mort, du grand-père dressé sur son lit, laissant voir ses jambes amaigries, puis retombant, tout à coup, d’une pièce.