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Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/238

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le collier des jours

combien je l’aime. Notre amitié était si sûre et si confiante ; mon effronterie protégeait sa timidité ; mais elle, plus âgée et plus sérieuse, me conseillait et me retenait, au bord des folies trop graves ; nous vivions si uniquement l’une avec l’autre, que, pour ma part, je n’ai retenu le nom d’aucune autre de nos compagnes…

Pauvre Catherine ! quelle solitude pour elle ! La laisser était encore pire que la quitter. Elle n’arrêtait pas de pleurer et de répéter :

— Qu’est-ce que je vais devenir sans toi ?

On lui permit de rester avec moi le dernier jour et elle m’accompagna, tandis que je faisais mes adieux, à toutes les religieuses que j’aimais, et à quelques-unes que je n’aimais pas.

Ma première visite fut pour la sœur Sainte-Madeleine, qui n’avait jamais cessé d’être ma protectrice et à qui j’avais écrit tant de folles lettres. Puis, ce fut la maîtresse de ma classe, la mère Saint-Raphaël, si bonne, malgré ses froncements de sourcils et ses terribles moustaches. Je montai ensuite vers l’appartement réservé à l’étrange musicienne qu’était la sœur Fulgence. De loin, nous entendions le son du piano. Elle devait être en train de composer ; sous les broussailles de ses sourcils, ses yeux fauves brillaient d’enthousiasme.

Elle regrettait beaucoup mon départ, car, di-