Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
le collier des jours

— Ah voilà Baldelarius ! s’écria mon père, en tendant la main au nouveau venu.

Mon père a tracé ainsi son portrait.

« … Il avait les cheveux coupés très ras et du plus beau noir ; ces cheveux faisant des pointes régulières sur le front d’une éclatante blancheur, le coiffaient comme une espèce de casque sarrasin ; les yeux, couleur de tabac d’Espagne, avaient un regard spirituel, profond, et d’une pénétration peut-être un peu trop insistante, quant à la bouche, meublée de dents très blanches, elle abritait, sous une légère et soyeuse moustache ombrageant son contour, des sinuosités mobiles, voluptueuses et ironiques, comme les lèvres des figures peintes par Léonard de Vinci ; le nez fin et délicat, un peu arrondi aux narines palpitantes, semblait subodorer de vagues parfums lointains. Une fossette vigoureuse accentuait le menton comme le coup de pouce final du statuaire ; les joues soigneusement rasées, contrastaient par leur fleur bleuâtre que veloutait la poudre de riz, avec les nuances vermeilles des pommettes ; le cou d’une élégance et d’une blancheur féminines, apparaissait dégagé, partant d’un col de chemise rabattu et d’une étroite cravate en madras des Indes et à carreaux. Son vêtement consistait en un paletot d’une étoffe noire lustrée et brillante, un pantalon noisette, des bas