Aller au contenu

Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
le collier des jours

Mon père finit par céder, ou plutôt par en avoir l’air.

Un matin, il nous fit venir, ma sœur et moi, dans sa chambre. Il était à demi-agenouillé dans un fauteuil, du haut duquel il nous considéra quelques instants à travers son monocle.

— Ouragan, dite Chabraque, et vous Monstre-Vert, dit-il, écoutez-moi attentivement et tâchez de me comprendre : Vous allez entrer au Conservatoire de danse. Ne craignez rien, cette institution n’a que des analogies lointaines avec le couvent. Marianne vous y conduira, plusieurs fois par semaine, et vous ramènera. Là, on vous enseignera la chorégraphie, selon les bons principes. C’est votre mère qui le veut, dans l’espoir que vous éclipserez un jour la gloire de votre tante Carlotta. Puisque vous êtes là, à ne rien faire, et que vous avez besoin d’exercice, cela vous occupera, en vous dégourdissant les jambes. C’est une gymnastique excellente qui vous donnera de la grâce et vous apprendra à marcher ; c’est, pour cette raison que j’ai cédé. Mais — je vous parle comme à des personnes raisonnables — mettez-vous bien ceci dans la tête, et gardez-le pour vous : je suis parfaitement décidé à ne pas faire de vous des danseuses… Sur ce, embrassez votre papa et allez essayer vos chaussons de danse.