Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
le collier des jours

joyeux tumulte, tant que le maître n’était pas arrivé. Dès qu’il paraissait, chétif et maigre, dans sa redingote noire, son violon à la main, le silence s’établissait, chacun courait à sa place, saisissant d’une main la barre de bois. On s’apercevait alors qu’il y avait plus de filles que de garçons.

M. Siau posait son violon sur sa chaise, accrochait son chapeau, frappait dans ses mains et les exercices commençaient.

— Un, deux… un, deux !…

Toute une forêt de jambes inégales, se levaient et s’abaissaient, pas du tout en mesure, dans un complet désarroi. Le maître se fâchait, comptait plus fort, se précipitait sur un pied, dont la pointe se tournait en dedans, et, d’un mouvement brusque, la remettait en dehors.

Comme c’était drôle et comme il rageait, le pauvre professeur ! Il tapait du pied, crispait les poings, en mâchonnant des imprécations, s’ébouriffait les cheveux, levait les bras vers le plafond, jusqu’à ce qu’il eût obtenu, enfin, de voir toutes les jambes se lever à la fois et retomber ensemble. Alors on changeait de main, et, tournant le dos aux fenêtres, on recommençait les mêmes battements avec l’autre jambe.

On se reposait un moment, puis la seconde partie du travail commençait. Rangés en lignes,