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Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/279

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le collier des jours

comme autrefois, j’essayais de la consoler, et je vis bientôt, au fond des orbites plus creusés, ses beaux yeux rayonner de tendresse.

Rien n’est changé dans ces deux petites chambres où j’ai commencé à vivre ; mon pseudo-portrait est toujours accroché au mur ; mon berceau est à la même place ; « il y restera tant que je serai là », dit ma nourrice.

Et Marie, et Sidonie, et Pauline, où sont-elles ? À leur ouvrage. Eugène est à l’école. Pour rencontrer tout le monde, il faudrait venir un dimanche. Mais puisque j’étais sortie du couvent, heureusement, elle viendrait souvent me voir, avec l’un ou avec l’autre.

Quand nous partons, pour nous accompagner un peu, la Chérie fait un bout de toilette ; elle met son auréole tuyautée, attache, sur ses épaules, un châle à franges…, et je reconnais le cher petit châle vert à palmes, qui a été teint en noir et où les dessins ne sont plus visibles… Et, tout à coup, je me souviens de la noce de Marie où, à cette même place, le petit châle vert, dans toute sa fraîcheur, fit sa première apparition… J’ai le cœur serré par un regret poignant. Je comprends mieux la mort, les tristesses, la méchanceté du temps, devant cette pauvre étoffe qui a dû prendre le deuil.