Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
le collier des jours

Nous ne faisions pas grande attention à Honorine, qui n’avait aucun vestige de la beauté de sa sœur, et de beaucoup son aînée, avait plutôt l’air d’être sa tante. Grande, forte, le visage gras, les cheveux ternes, dont les grands bandeaux donnaient l’impression d’une perruque ; elle n’avait rien de remarquable, si ce n’est qu’elle parlait du nez.

D’ailleurs, elle était le plus souvent absente, car elle donnait au dehors, elle aussi, des leçons… des leçons de français !…

Nous ne nous doutions guère quelle importance prendrait pour nous cette Honorine Huet, que nous regardions à peine. Nous ne soupçonnions pas que, sous cet air inoffensif, elle cachait de redoutables qualités, qu’elle était très savante, possédait des diplômes, et avait déjà été institutrice.

Toutes sortes de conciliabules avaient lieu, qui nous donnaient un peu de répit, mais nous sentions le dénouement tout proche. Nous en gémissions avec Marianne, presque aussi tourmentée que nous.

— Pense donc, lui disions-nous, elle sera toujours sur notre dos ; ce sera un vrai gendarme, plus moyen de jeter le riz au lait dans l’évier, ni de te lire des romans tout haut. Elle ne nous laissera pas jouer l’opéra italien avec des robes à maman : ça va être une vie impos-