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le collier des jours

paraboles superbes, l’avantage qu’il y avait à être sage, à se bien conduire et à apprendre rapidement les leçons prescrites ; puis, pour bien fixer dans notre esprit l’excellence de son discours, il concluait en nous faisant cadeau d’une pièce de quarante sous. On peut s’imaginer à quel point cette morale nous plaisait, nous l’aurions voulue tous les jours. Mais il dut renoncer à ce système, le jour où, avec une naïve impudence, nous lui proposâmes de supprimer la morale, et de donner tout de suite les quarante sous.

L’institutrice, de plus en plus menaçante, planait au-dessus de notre vie.

Les jours des leçons de piano, on en parlait mystérieusement avec la belle Virginie. Nous allions le plus souvent travailler chez elle, dans le petit logement où elle habitait, avec sa mère et une sœur plus âgée qu’elle. Cet intérieur était des plus modestes ; tous les efforts étaient concentrés sur Virginie, le seul espoir du pauvre ménage, tous les sacrifices étaient admis pour soutenir son élégance extérieure et pour parer sa beauté. Les autres ne comptaient pas. La vieille mère, qui en négligé tournait à la sorcière, nous ouvrait la porte, et dès le seuil, une odeur d’huile frite et d’ail, nous prenait à la gorge, provenant de quelque fricassée marseillaise, cuisinée avec amour.