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le collier des jours

contentement par des sauts et des cris de joie.

C’était une sorte de corbeille en bois, posée sur quatre roues, et garnie de petits balustres, dans le style de mon berceau, que le père avait peut-être fait aussi, seulement au lieu d’être jaune acajou, elle était verte, et je la trouvai ravissante.

Par qui et comment vint l’attelage ? Je ne sais. Ce fut une jolie chèvre blanche, qui m’enthousiasma naturellement, et devint vite mon intime amie, elle grimpa bientôt l’escalier derrière moi, et me suivit partout.

Avoir voiture, cela modifia un peu la vie. L’impasse d’Antin, qui avait été jusque-là mon domaine, ne suffisait plus ; la promenade habituelle à la barrière Monceau, où j’allai jouer de préférence, avec mes amis les gabelous, qui me poursuivaient sous la colonnade du petit temple grec, encore debout aujourd’hui, fut même délaissée. La chèvre avait besoin de brouter ; il fallait un champ, de l’herbe fraîche. Du côté de Montmartre, sans doute, on découvrit une sorte de terrain vague, qui devint le but le plus fréquent de nos excursions.

La sortie de l’impasse était ce qu’il y avait de plus triomphal. Trônant dans ma corbeille, que la chèvre traînait tant bien que mal, avec des velléités de gambades, je jouissais de l’admiration des voisines, de l’ébahissement des