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le collier des jours

Un jour, la société, réunie sur la pelouse, après m’avoir longtemps taquinée de questions, m’envoya voir l’heure qu’il était, dans la chambre de grand-père. Heureuse de m’échapper, je grimpais vite le petit escalier de bois, qui montait de la cour dans la salle à manger. J’entrai dans la chambre et je pris un tabouret, pour monter dessus, et bien m’installer devant la pendule.

Cette pendule était simple autant que laide. En bois noir verni, avec un double rang de perles en cuivre, et sous le verre, autour du cadran, une guirlande ciselée, elle servait de socle à un petit buste de mon père, en plâtre stéariné.

Les coudes sur la cheminée, la figure dans mes mains, je regardais de très près le cercle des heures ; mais je ne le voyais guère, occupée que j’étais à retourner dans ma tête un problème très ardu.

On venait de me faire subir un véritable interrogatoire, sur mes pensées les plus secrètes, et j’étais fâchée contre ceux qui m’avaient ainsi harcelée, fâchée contre moi-même aussi, contre moi surtout. Pourquoi devinait-on ce que je pensais ?… Ce devait être par ma faute… Est-ce que les grandes personnes voyaient à travers moi ?… Pourtant, bien des fois, on n’avait rien su ; mais c’était quand on ne me faisait pas par-