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le collier des jours

mençait à appeler les noms des voyageurs inscrits.

Enfouie dans la paille, étourdie par les cahots et le bruit des roues, je ne tardais pas à m’endormir, quand je n’étais pas tenue éveillée par l’angoisse de l’arrivée, bien plus sérieusement redoutable que le départ de la cour sombre.

La Montrougienne terminait sa course au Petit-Montrouge, sur une place, qui avait à un de ses coins un puits, en forme de tourelle, et peint en rouge sang. La route de Châtillon partait de là. Les quelques voyageurs que l’on n’avait pas laissés en chemin s’éparpillaient rapidement et il était rare que l’un d’eux se dirigeât vers le Grand-Montrouge, et fît route avec nous. Nous restions donc seules, en face de cette ombre et de cette solitude. La tante, plus consciente du danger, avait encore plus peur que moi. Nous prenions le milieu de la chaussée et nous nous lancions, presque en courant. Il fallait traverser les fortifications, avec ses fossés, où tant de mauvaises gens devaient être tapis, puis faire un long bout de la route de Châtillon, où il n’y avait pas une lumière, où les maisons étaient si rares. Je jetais des regards rapides dans tout ce noir, où je croyais voir danser des nuages. Nous trébuchions sur