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Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/82

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le collier des jours

Au dessert, on me servait la première, puis il fallait quitter la table, faire ses adieux et s’en aller, de la salle tiède et brillante, pour regagner le lointain Montrouge, à travers le noir et le froid.

La tante, qui n’était pas très rassurée, me faisait marcher vite, par les rues, et je trottais pour égaler ses grands pas. Il s’agissait de ne pas manquer la dernière voiture.

Je ne peux retrouver en quel endroit était située cette cour, d’où partaient les Montrougiennes. Nous y arrivions essoufflées et, le plus souvent, en avance. Des gens s’y promenaient, en long et en large, attendant le départ, et il fallait aussi aller et venir pour ne pas avoir froid. Rien ne me paraissait plus inquiétant que cette cour sombre et ces inconnus, que les rares réverbères, les éclairant par intermittences, ne permettaient pas de bien distinguer. J’imaginais toutes sortes d’histoires effrayantes sur chacun d’eux, et probablement les quelques gouttes de vin que j’avais bues, étaient pour quelque chose dans mes imaginations.

Enfin le conducteur, traînant ses sabots, arrivait, portant une lanterne et un registre. Sous le jet de lumière, la lourde voiture jaune apparaissait, les chevaux, somnolents, s’éveillaient et secouaient leurs grelots, le conducteur ouvrait la portière, et d’une voix enrouée, com-