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le collier des jours

Leur situation vis-à-vis de leur père, me semblait analogue à la mienne. Elles disaient « papa » comme je disais « grand-père » et quand il les brusquait et les grondait, elles lui répliquaient beaucoup moins que moi.

Je n’admettais pas les gronderies et je me dérobais aux punitions. Celle que je redoutais le plus était d’être enfermée ; aussi, dès qu’après quelque méfait grave je pressentais l’orage ; je me cachais.

Je passais des après-midi entiers au fond d’une vieille niche à chien, inoccupée et oubliée dans un coin de la cour. Ou bien c’était entre les branches touffues d’un arbre. Pendant la saison des fruits, je choisissais un abricotier des vergers, où j’avais, au moins, de quoi m’occuper. Avec une patience et une ténacité incroyables, je restais là immobile et silencieuse, m’ennuyant beaucoup, mais ne cédant jamais.

On me cherchait, on m’appelait en me promettant l’impunité ; mais je n’avais pas confiance et, tant qu’il faisait jour, je tenais bon. Mais, voilà, à l’heure du loup, mon héroïsme fléchissait. Sitôt que l’ombre rendait un peu trouble le sous-bois, je dégringolais prestement et je me rapprochais de la maison, où je rentrais en sourdine. Quand je revenais des vergers, au temps des abricots mûrs, le ventre