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Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/91

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le collier des jours

tendu à éclater, je me moquais bien du pain sec.

Tante Zoé s’avisa un jour de vouloir me fouetter. Ce fut une scène impossible, une lutte où je ne fus pas vaincue. Assise par terre, cramponnée au pied d’une commode, j’envoyais des coups de pieds forcenés, en poussant de tels cris, que les rares passants de la route de Châtillon s’ameutaient, croyant à un égorgement.

— Laisse-là, disait tante Lili, elle va avoir des convulsions.

Jamais une larme dans mes yeux, d’ailleurs, je criais mais je ne pleurais pas ; je me défendais, mais je n’avais aucunement l’idée de demander grâce, ni de m’humilier.

Je ne voulais pas être punie, pas plus que je ne désirais de caresses. Depuis que j’étais déchue de ma royauté et privée de la chère nourrice, toujours seule aimée, je devenais très dure pour moi-même, subissant stoïquement les conséquences de mes actes ; j’endurais les privations, et jusqu’à la souffrance physique sans me plaindre.

Je me souviens de dégringolades, sur l’escalier de la cour, quand je m’étais lancée étourdiment à toute vitesse, où je ponctuais chaque choc, de marche en marche, d’un :

— C’est bien fait !… c’est bien fait !…