Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/106

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— C’est encore toi ? dirent les portiers, en courant après lui, que veux-tu donc ? As-tu un autre poisson à vendre, ou réclames-tu quelques coups de bambou ?

— Je veux voir le jeune serviteur à qui j’ai parlé ce matin, dit Ko-Li-Tsin essoufflé.

— Il est parti pour la Ville Rouge, dans le cortège du maître, dirent les portiers, en poussant le poète dehors.

Ko-Li-Tsin commença de courir vers la Ville Rouge, mais bientôt il s’arrêta.

— Que je suis fou ! dit-il. Je ne peux pas entrer dans l’Enceinte Sacrée.

Il regarda avec désespoir les hautes murailles de brique sanglante.

— C’est là que va mourir la joyeuse jeune fille qui tressait des bambous dans le champ de Chi-Tse-Po. Comme elle doit se trouver perdue et abandonnée dans ce grand palais ! comme elle tremble en voyant les gardes majestueux et les eunuques farouches ! et comme son cœur se serre de douleur quand elle songe qu’aucun regard ami ne lui dira adieu lorsqu’elle partira pour les pays d’en haut !

Ko-Li-Tsin regarda encore le large fossé, les hautes murailles, et haussa les épaules.

— C’est impossible, murmura-t-il. Pourtant il ne sera pas dit, lorsque la cigogne entre d’un coup d’aile, que le poète Ko-Li-Tsin reste à la porte.

Il se dirigea vers le Portail du Sud. Une sentinelle tartare marchait d’un bout à l’autre du large pont de marbre qui précède l’entrée, et faisait sonner le bois de sa pique sur les dalles.