Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/111

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devant le palais de la Souveraine Concorde. Il ne put s’empêcher d’en faire le tour.

— C’est là, disait-il, que, depuis des siècles, les plus glorieux empereurs tiennent leurs conseils. L’illustre dynastie des Mings, issue d’un rebelle, a moins duré que cette tour insensible, qui a vu Hong-Vou, Yong-Lo, Kia-Tchin, Ouan-Li, Tien-Tsong, et qui ne s’écroule pas sur l’usurpateur tartare. Oh ! mille fois vaut mieux le laboureur Ta-Kiang, choisi par les Sages immortels, que l’étranger Kang-Shi de la dynastie des Tsings !

Ko-Li-Tsin s’aperçut que les soldats de la tour le regardaient avec défiance ; il entra sous la galerie qui suit les quatre faces de la cour, et s’engagea dans une rue.

— Cette rue me conduit-elle vers la résidence Impériale ? D’ailleurs, je sais que pour passer sous le Portail du Ciel Serein, il faut être muni d’une tablette de jade qui témoigne que l’on est mandarin de service pour la semaine courante. Je ne peux pas me procurer cette tablette. Vais-je donc perdre le fruit des prodiges déjà accomplis ?

Le poète passait devant de longues salles dont les portes étaient ouvertes. Il y voyait des serviteurs occupés à différents travaux. Il remarqua une femme seule qui disposait dans un coffre des plats d’argent et d’or.

— Si je parlais à cette femme ? elle m’indiquerait peut-être une porte de service. Je pourrais lui raconter une histoire bien compliquée et bien touchante ; elle ne manquerait pas d’être attendrie.