Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et beaucoup d’innocents y ont avoué des crimes imaginaires pour échapper aux tortures. Cette salle précède les cachots terribles et se nomme le Palais de la Sincérité.

C’est là que Ko-Li-Tsin fut introduit peu d’instants après son arrestation. Il était calme. Il avait accompli sa volonté. Il était héroïque et serein. Il avait au cou une corde qu’un soldat tirait.

La lueur de quelques lanternes en soie rouge, portées par les gardes, ensanglantait les spirales de marbre noir qui montent du sol aux voûtes et les murailles confuses où saillissent en caractères d’or les sentences des philosophes.

Au fond de la salle, sur une estrade, s’élève un fauteuil de laque, dont le dossier dessine une niche d’idole, et devant les marches de l’estrade sur un vaste écran de satin noir, apparaît, finement brodé, le mystérieux symbole du Tang. C’est un lion monstrueux qui veut dévorer le Soleil : les poils de sa queue retroussée retombent comme les branches d’un saule ; son corps est entièrement bleu ; sa face, hérissée de moustaches roides, ouvre une gueule profonde, armée de dents : le Soleil est représenté sous la figure d’un jeune homme vêtu de blanc, dont le visage est rouge et qui a des yeux d’or.

Un mandarin-juge entra majestueusement et alla s’asseoir sur le fauteuil de laque ; deux mandarins de second ordre se tinrent débout à côté de lui.

Des gardes firent avancer Ko-Li-Tsin en tirant la corde qui lui serrait le cou et lui enjoignirent de