Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/157

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dans des coussins, Yo-Men-Li ouvrit ses yeux encore voilés de larmes et les promena lentement autour d’elle.

Elle se trouvait dans une chambre somptueuse, qu’éclairaient quatre lampes de porphyre posées sur des trépieds de bronze. Les murs, jusqu’à la moitié de leur hauteur, étaient revêtus d’une épaisse couche de laque noir où mille réseaux d’or formaient des cadres irréguliers, et, dans ces cadres, des tortues à la carapace couleur d’azur traînaient de longues queues en fils d’argent, des grues aux pieds grêles poursuivaient des mouches d’émeraude, des oisillons aux ailes écarlates serraient dans leurs griffes d’or des branches transversales. Et des jonques passaient sur des lacs bleus, et des guerriers grimaçaient devant des tigres furibonds. La partie supérieure des murailles était voilée d’un satin pur où des broderies éclataient. Au plafond s’entre-croisaient bizarrement des poutres rouges, vertes, dorées. Yo-Men-Li vit encore, sur un socle de jade vert, deux chiens monstrueux en cuivre jaune ; debout sur leurs pattes de devant, la tête entre les pattes, montrant deux gros yeux de porcelaine, la queue hérissée en un fantastique panache, ils soutenaient sur leurs pattes de derrière une large étagère où bruissaient lumineusement de grandes coupes d’or pleines de pierreries. Entre des portes fermées de lourdes draperies, d’immenses vases de porcelaine rendaient leurs flancs polis ; enfin, au milieu de la chambre, une table de laque rouge déroulait ses formes rares. Elle semblait une ceinture de bro-