Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/162

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— À qui ? à qui ? s’écria le jeune homme en pâlissant. Tu ne peux être fiancée ; tu ne l’es plus, puisque je t’aime ! Personne ne viendra te disputer à moi. Quel est celui qui t’aime ? continua-t-il en fronçant les sourcils, je le tuerai ; si tu ne veux pas dire son nom, j’exterminerai tous les jeunes hommes de l’Empire, et quand nous serons seuls, enfin tu seras libre !

— Je suis fiancée, mais je ne me marierai pas, dit Yo-Men-Li avec un soupir où il y avait des larmes.

Le prince se méprit sur le sens de cette parole.

— Pardon, dit-il avec un regard plein de soumission suppliante. Je t’ai parlé durement, à toi ! Mais tu me disais des choses cruelles. Tu seras mon épouse, la seule, entends-tu bien, et, plus tard, je te ferai impératrice rayonnante, et je t’adorerai sans fin.

— Ta-Kiang, pensait Yo-Men-Li, pourquoi n’as tu pas le cœur de ce jeune homme ?

Le prince avait les yeux humides et souriait.

— Tu ne souffres plus, au moins ? dit-il. Tu es si pâle ! Comme tu as eu peur, pauvre petite, toute seule dans la nuit. Si j’avais su que tu étais dans le palais ! Mais, dis, veux-tu que je te fasse voir les merveilles de la Ville Rouge ? Viens, tu prendras tout ce que tu trouveras beau. Non, tu ne veux pas. Tu es lasse, veux-tu dormir ? Je mettrai mon bras sous ta tête, et je ne bougerai pas.

— Je veux partir, s’écria Yo-Men-Li en se levant brusquement. Grand prince, tu es bon ; indique-moi la route ; fais-moi sortir d’ici !