Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/199

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encore perdu connaissance, lorsqu’il se sentit violemment saisi et enlevé par un poignet vigoureux. Après avoir toussé, éternué et frotté ses yeux pleins d’eau, il vit qu’il était assis dans un bateau en face d’un personnage de haute taille qui ramait. Ko-Li-Tsin se hâta de se lever et de saluer selon les règles.

— Mon noble sauveur, dit-il, excuse-moi de t’avoir détourné de ton chemin. Si je n’en avais pas été à mon suprême effort, je n’aurais pas crié pour attirer ton attention. Mon nom est Chen-Ton ; je suis poète, et je chanterai tes louanges.

L’homme quitta la godille, et, à son tour, salua :

— Mon nom est Lou ; je suis originaire du Pé-Tchi-Li. Ce jour est un des meilleurs de ma vie, car j’ai retardé le voyage au pays d’en haut d’un grand poète qui me sera un ami précieux. Mais tu ne peux rester ainsi imbibé d’eau. Quand j’ai entendu ton cri, j’allais au Bateau des Fleurs de la Mer du Nord. Veux-tu que je t’y conduise ? Là de gracieuses femmes te sécheront, te réchaufferont ; puis nous terminerons la nuit en buvant ensemble joyeusement.

— Merci, merci, seigneur Lou, dit le faux Chen-Ton ; c’est avec empressement que j’accepte ta proposition, car il y a bien longtemps que je n’ai bu des tasses de vin avec un ami et que je n’ai respiré les parfums du Bateau des Fleurs !

— Allons, allons, tu me conteras ton histoire, dit Lou en se remettant à godiller.

Il dirigea habilement son embarcation vers des