Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/201

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plus brillante des jonques, marchant dans les fleurs, écartant les branches souples.

— Salut, salut ! seigneur Lou, crièrent du haut de la terrasse quelques fumeurs. Ne viens-tu pas rire avec nous ?

— Salut, salut ! répondit Lou. Je ne viens pas rire avec vous. Je suis aujourd’hui engagé avec un ami.

Et, soulevant le rideau de soie écarlate, il pénétra avec Ko-Li-Tsin dans l’appartement intérieur. Un parfum de musc et de camphre leur monta aux narines. Leurs pieds enfonçaient dans un tapis profond. Sous la clarté trouble et tendre des lanternes suspendues aux poutrelles d’un plafond doré, des femmes gracieuses, aux costumes éclatants, s’accroupissaient auprès de plusieurs jeunes hommes languissamment étendus sur des coussins ; elles mordillaient le bout d’une flûte de jade ou grattaient de l’ongle les cordes d’un pi-pa, ou parfois, en renversant la tête, laissaient échapper de leurs lèvres un long rire clair comme une cascade.

Le seigneur Lou traversa rapidement la salle, fit un signe de tête aux personnes qu’il connaissait, souleva un autre rideau de soie et, descendant quelques marches, introduisit Ko-Li-Tsin dans la seconde chambre.

Celle-ci était presque solitaire. Trois femmes, seules, sommeillaient dans les fleurs.

Au plafond, sous des treillis de bambou, brillent des miroirs d’acier poli qui reflètent avec mille brisures la chambre et les lumières. Accrochés aux