Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/212

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— Voici, dit Ko-Li-Tsin, en offrant ses tablette au seigneur Lou, qui lui tendait les siennes.

Ko-Li-Tsin se hâta de lire les vers de son compagnon. Ils étaient conformes aux bonnes règles, et disaient :


Pendant le sommeil les pensées de l’homme, sortant de son esprit, se promènent devant ses yeux, et les rêves de la nuit comblent les désirs du jour.

Le pauvre se voit riche, et l’homme vil se voit glorieux.

Celui qui, pleurant sa bien-aimée absente, s’endort dans ses larmes refroidies, sent la tête de celle qu’il adore penchée vers son épaule.

Le poète converse avec Kong-Fou-Tzé ; le mandarin se croit empereur.

Mais l’empereur, sur son lit somptueux, froisse les coussins de son front plein de soucis, et, souvent, s’appuyant sur le coude, il parle au chef des Eunuques :

« De quel côté souffle le vent ? dit-il. Des nuages voilent-ils la lune implacable ? La brûlante sécheresse menace-t-elle toujours mon peuple ? »

Cependant il s’endort, et il rêve qu’une pluie abondante est descendue du ciel.


De son côté, le seigneur Lou admirait l’écriture irréprochable de Ko-Li-Tsin et lisait les vers suivants :


Le rêve ressemble à une ombre sur le sable. Mais quand on l’écrit sur des pages blanches, le rêve devient comme un corps au soleil.