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TA-KIANG SE RÉVOLTE CONTRE LA TERRE

sol dans l’angle clair que produisait L’entre-bâillement de la porte.

— J’approuve la résolution que t’inspire Koan-In elle-même ! bégaya le vieux père dont un grand frisson secoua les membres tremblants.

— Pars, élève-toi, triomphe et méprise tes parents inutiles ! dit la mère qui sentait son cœur battre d’épouvante et d’orgueil.

Tous deux étaient tombés à genoux.

— Que faites-vous ? demanda Ta-Kiang, surpris de les voir en cette posture.

— J’ai laissé choir, dit le père, le caillou dont j’aiguise ma faux.

La mère dit :

— Je cherche une pièce de cuivre qui s’est échappée de mes doigts dans la cendre.

Et si les deux vieillards mentaient ainsi, c’est qu’ils connaissaient, comme le poète Ko-Li-Tsin et Yo-Men-Li la vannière, ces paroles d’un sage ancien : « Nulle bouche ne doit révéler le miracle qu’ont vu les yeux, car la destinée serait renversée et une nuée de malheurs descendrait du ciel. »

Trois heures plus tard, comme le soir tombait, le laboureur Ta-Kiang quitta pour toujours la cabane située dans un coin fauché du grand champ de Chi-Tse-Po, et, monté sur un lourd cheval, qui traînait d’ordinaire la charrette où s’entassent les gerbes de blé de riz, il commença de marcher dans la plaine, vers l’horizon.

Où allait-il ? où tendait son élan ? il n’aurait pas pu le dire. La cataracte ignore dans quel gouffre elle