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TA-KIANG SE RÉVOLTE CONTRE LA TERRE

je t’aime, permets-moi de m’associer à ta fortune. Un esprit ingénieux et un dévouement attentif ne sont pas des compagnons inutiles.

— Je t’accepte pour serviteur, répondit Ta-Kiang d’un ton hautain.

— Ô toi dont je ne suis plus la fiancée, dit une voix de femme, veux-tu que je te suive comme une servante ? Si tu me repousses, je vais subitement mourir, pareille à une plante saisie par la gelée.

— Pauvre petite, emmène-la, insinua le poète.

Mais Ta-Kiang dit avec rudesse :

— Je n’ai pas besoin qu’une femme me suive.

— Une femme ! s’écria Yo-Men-Li en résistant aux larmes qui lui montaient aux yeux. J’ai revêtu les habits de mon jeune frère et j’ai pris un cœur d’homme en même temps que ce costume d’homme. S’il faut du courage pour te servir, j’en aurai plus qu’un guerrier ; s’il faut de l’adresse et de la ruse, je serai plus adroite qu’un voleur et plus rusée qu’un juge ; s’il faut mourir, je mourrai, et, morte, s’il faut revenir des pays d’en haut pour te servir encore, sois tranquille, j’en reviendrai.

Yo-Men-Li parlait d’un ton ferme. Ta-Kiang songea qu’une femme hardie peut accomplir de grands travaux.

— Si tu le veux, sois ma servante, dit-il en poussant son cheval en avant.

— Attends, dit Ko-Li-Tsin, j’ai encore quelques mots à te dire.

— Parle, mais hâte-toi.

— Oh ! dit le poète, je serai bref. Il y a quelques