Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/275

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— Il faut convenir, reprit le Fils du Ciel avec un sourire ironiquement triste, que la vanité vous emplit les yeux de soleil au point que vous ne voyez rien autour de vous. Malheureux ! puisse le Ciel supérieur ne pas vous punir comme vous méritez d’être punis !

Puis, se tournant vers le Chef des Eunuques, il demanda :

— Les hommes que j’attends sont-ils revenus ?

— Oui, Souverain Suprême ! répondit l’eunuque.

— Fais-les entrer l’un après l’autre.

L’eunuque s’éloigna. On introduisit un homme vêtu comme un Chinois du peuple. Il s’agenouilla au milieu de la salle.

— Parle, dit l’empereur, qu’as-tu appris ? La ville est tranquille, n’est-ce pas, et nous n’avons rien à craindre ?

— Maître du Monde ! dit l’homme, voici : Hier, avant la fermeture des portes, des armées formidables attaquèrent la ville. À chacune de ses neuf portes vingt-deux mille soldats se ruèrent. Quelques sentinelles tartares furent renversées et égorgées, puis les rebelles marchèrent, et des neuf entrées se joignirent au centre de Pei-King sans éprouver le résistance. La foule les acclamait, et de plusieurs points s’élevèrent des fusées tandis qu’éclataient des bombes de réjouissance. Souverain seigneur, j’ai parlé sincèrement.

L’empereur tourna les yeux vers les faces blêmes de ses mandarins.

— Va, dit-il au messager, tu seras récompensé.