Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/295

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— J’admets les tiens, juge inique, bourreau et tortionnaire ! dit Ko-Li-Tsin, reconnaissant le juge qui l’interrogea dans la Salle de la Sincérité.

— Ah ! c’est toi, dit le mandarin ; eh bien ! écoute. Le glorieux empereur Kang-Shi, seul maître du monde, consent à vous rendre un otage qui doit vous être cher et à vous laisser impunis si vous levez immédiatement le siège et abandonnez Pei-King.

— Voilà une proposition ! dit Ko-Li-Tsin. De quel otage est-il question ?

Le mandarin attira au bord du rempart une jeune fille pâle, aux longs vêtements déchirés.

— Yo-Men-Li ! s’écria le poète.

— Si vous refusez, continua le mandarin-juge, le Fils du Ciel, qui est clément, vous rendra cette jeune fille, mais en vous la jetant du haut de ce bastion.

— Attends, dit Ko-Li-Tsin, qui sentit son cœur pâlir.

Et il courut vers la tente impériale.

— Ô Maître de la Terre ! s’écria-t-il, Empereur sublime ! ils veulent jeter Yo-Men-Li du haut des murailles si tu ne lèves le siège à l’instant ! Ô magnanime ! ne laisse pas commettre une cruauté dont la seule pensée serre le cœur et glace l’esprit.

— Parles-tu sérieusement ? dit Ta-Kiang avec un sourire. Crois-tu que le respect d’une vie infime m’arrêtera un instant dans ma marche triomphale ? Penses-tu que je vais quitter mon trône pour épargner Yo-Men-Li ? Que m’importe cette jeune fille !