Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/308

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l’imitaient et, délogeant les soldats, les précipitaient du haut des toits. Vers les remparts, Ko-Li-Tsin, se courbant poliment sous les flèches et raillant les balles inhabiles, gravissait la pente qui monte au faîte des murailles ; suivi d’un flot de hardis assaillants, il voulait s’emparer des bastions et arrêter la pluie meurtrière. Enfin, au centre de la place, Ta-Kiang, heureux et farouche, s’avançait vers la plus large des avenues qui s’enfoncent dans la ville. Échappant par miracle aux projectiles lancés, il regardait autour de lui s’affirmer la victoire, et, parfois, levant les yeux, il voyait s’élever dans le ciel des flèches ornées de banderoles rouges, signaux de triomphe donnés par les rebelles qui attaquaient sur d’autres points la ville, et il se disait : « Bientôt je me reposerai sur mon trône ! »

Mais le prince Ling, d’un élan furieux et irrésistible, fendit le flot hurlant des soldats et se précipita dans la mêlée.

— Où es-tu ? cria-t-il, grinçant des dents. Où es-tu, désastre, typhon, nuage pestilentiel ? Tu as fini de triompher, serpent vorace, car me voici, formidable et vengeur. Viens, mes dents aiguisées par la haine vont dévorer ton foie venimeux.

— Qui es-tu, vermisseau courroucé ? dit Ta-Kiang avec dédain.

— Je suis celui qui te châtiera, cria le prince ; je suis le fils du Dragon !

— Tu mens ! car tu n’es pas mon fils !

— Allons ! hurla l’Héritier du Ciel, descends de cheval et viens me combattre si tu l’oses.