Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/309

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— Puisque tu tiens à mourir de ma main, dit Ta-Kiang, je descendrai de cheval.

Et il sauta à terre.

— C’est lui qu’elle aime, murmurait le prince ; c’est à cause de lui qu’elle me dédaigne et que mon cœur se tord comme une couleuvre blessée.

La bataille s’écarta autour des deux adversaires, qui, face à face, se considérèrent.

Ta-Kiang resplendissait dans l’or du costume impérial. La victoire exaltait l’expression farouche de son front, la tyrannie de ses yeux et le dédain de sa lèvre. Son teint doré semblait refléter le soleil. Tout en lui était majesté et force. Il se dressait, les reins cambrés, un pied en avant, et appuyait sur les dalles les pointes de ses deux glaives.

Le prince Ling apparaissait frêle et plein d’élégance. Son visage, pâle comme le jade, aux longs yeux noirs languissamment meurtris, au front las, à la bouche éclatante, mais, vers les coins, imperceptiblement abaissée par la douleur, avait un charme plein de tristesse, et, dans les souplesses de ses vêtements en crêpe et en fine soie, son corps s’affaissait, somnolent d’opium. Cependant fiévreux, les lèvres tremblantes de colère, il croisait ses bras sur sa poitrine et serrait nerveusement les poignées de ses sabres.

Le premier il s’élança ; Ta-Kiang le chargeait d’un méprisant regard.

— Oh ! cria l’Héritier du Ciel, ta vie oppresse ma poitrine ainsi que ferait un lourd ciel d’orage. Quand