Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/32

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d’auberge sur la route ; on mangeait à cheval, on dormait sur la dure. Impassible, Ta-Kiang conversait avec ses pensées ; Yo-Men-Li, exténuée, montrait des sourires et cachait des larmes ; Ko-Li-Tsin lui-même parlait peu. Ils atteignirent péniblement la plaine sablonneuse qui environne Pei-King, plaine monotone, bosselée de dunes mouvantes, où le regard ne rencontre rien pour se poser, jusqu’aux collines d’un bleu laiteux de l’horizon et palpite, ébloui et las, comme un oiseau sur l’Océan. Enfin, tandis que le soir tombait pour la troisième fois depuis leur départ, ils aperçurent une gigantesque muraille qui barrait le ciel, noire à sa base, rougeoyante à son faîte. C’était le premier rempart de la Capitale du Nord. Haut, crénelé, ténébreux sur la clarté, il masquait les feux du soleil qui se couchait derrière la ville ; mais les rayons triomphants débordaient le mur sombre, et de chaque créneau jaillissaient des flammes.

Flanqué de lourdes tours carrées qui saillissent hors du mur, le rempart quadrangulaire qui cerne Pei-King de sa fierté puissante, projette de loin en loin un bastion en forme de demi-hexagone, dont chaque face se creuse d’une longue galerie voûtée et dont la plate-forme s’exhausse d’un pavillon de bois pourpre où, sur deux terrasses superposées, des soldats attentifs veillent près des embrasures, fermées, en temps de paix, par des panneaux rouges, sur lesquels sont peintes des gueules de canons, qui cachent les vrais canons de bronze vert.

Les trois voyageurs, depuis longtemps épiés, à