Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/322

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largement les ministres suprêmes, dont les poitrines bombées montrent pompeusement un fabuleux Tchi-Nen qui se hérisse d’écailles d’or ! les Ta-Kouen, cachant leurs mains dans leurs manches, songeaient, et, sur les robes des plus nobles d’entre eux, des grues dorées ouvraient leurs ailes en signe de suprématie, tandis que des paons et des oies sauvages, envolés dans un ciel étoile de pierreries, traversaient les plastrons des lettrés de troisième et de quatrième classe. À la droite de l’empereur se groupaient respectueusement les mandarins inférieurs ; sur leurs vêtements apparaissaient des oiseaux encore : aigles, faisans argentés, canards, perroquets, mais aux ailes ployées, et levant seulement une patte pour indiquer l’intention de monter.

Le plus profond silence régnait dans la salle de la Paix Lumineuse. Les pierreries et l’or des costumes dardaient des lueurs fixes, car aucun mouvement ne faisait tressaillir les lumières sur les facettes ni sur les broderies. Le Fils du Ciel apparaissait comme la statue immobile d’un dieu environné de rayons. Son front était un lac glacé, calme devant le souffle de la tempête. Il ne daignait pas trembler. Il subissait la destinée tête haute. Cèdre altier dans l’orage, il attendait que la foudre tombât. Il serait brisé, non renversé. Et, comme l’empereur, les mandarins avaient la face sereine et fière. Mais la serre cruelle de l’angoisse se crispait sur tous les cœurs.

Tout à coup un bruit de pas rapides et un cliquetis d’armes retentirent dans le silence, et le Maître des Rites cria :