Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/337

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vers Ta-Kiang. Alors on vit s’agiter les rideaux d’une des chaises à porteurs ; une main les entr’ouvrit et fit un signe. Deux soldats tartares s’approchèrent de Ta-Kiang et l’amenèrent devant la portière de la chaise. Les tentures s’écartèrent tout à fait et l’on vit apparaître un homme grave entièrement vêtu de rouge, qui était le chef des Eunuques.

— Écoute, dit-il, voici les paroles mêmes du Fils du Ciel, de l’Unique Sublimité : Tu as, plus cruel que les tigres, tué des milliers d’hommes, égorgé des femmes, brûlé des villes ; tu as bouleversé l’Empire pacifique, semé partout la ruine et le désastre ; sacrilège enfin, tu osas t’attaquer au Ciel même. Mais, sans le savoir, tu chevauchais le Dragon ; il t’entraînait irrésistiblement ; les Pou-Sahs du mal te dirigeaient et te commandaient. Toi, fatal, tu n’étais qu’un jouet dans leurs mains. C’est pourquoi je te dis : Abjure ton ambition, rends hommage au légitime Fils du Ciel et sa clémence rayonnera sur toi.

Ta-Kiang crispa dédaigneusement la bouche.

— Si j’avais été vainqueur, dit-il, j’aurais étranglé Kang-Shi de mes propres mains, Ta-Kiang n’accepte rien des hommes.

Les rideaux retombèrent. La chaise s’éloigna. Les deux aides du bourreau entraînèrent Ta-Kiang au milieu du carrefour, et la foule se rapprocha, chuchotant : « C’est le tour du chef des rebelles. »

— Agenouille-toi, dirent les aides.

Mais Ta-Kiang les repoussa et redressa si fière-